"Il faut changer de braquet maintenant, pour relancer la production de logements sociaux." La baisse des agréments de nouveaux programmes HLM atteint -30% par rapport à 2019 en cette fin novembre.
"Nous n'avons pas le go des pouvoirs locaux sur certains projets et cela bloque des agréments, oui, et c'est mon message principal. Je récuse le discours qui voudrait que les bailleurs ne veulent pas faire." L'USH a notamment demandé une augmentation de 2 milliards du budget de l'Anru, "dont toutes les tranches du NPNRU ne sont pas financées". "Certains quartiers sont interdits à certains ménages pour des raisons de prix d'accès au logement", déplore la nouvelle présidente de l'USH, présidente de Coallia Habitat. Elle avertit : "Nous voulons jouer un jeu clair avec l'Etat, et nous assigner à nous seuls, organismes HLM, l'enjeu de la mixité sociale, n'est pas juste." "Bien élue", elle ouvre de nouveaux dossiers pour l'Union, et répond aux enjeux de l'urgence, tout en regardant le moyen terme. Tour d'horizon... "Il faut mieux accueillir la classe moyenne-basse, les travailleurs essentiels", estime-t-elle, observant qu'ils ont peut-être été les plus frappés par la période du Covid. "Ce sont les locataires qui sont au-dessus des plafonds APL qui ont peut-être le plus souffert", dit-elle, en annonçant des montants impressionnants d'impayés ou de retards depuis le mois de mars. "Les impayés de loyers ont représenté jusqu'à 200 millions d'euros au premier confinement, puis ont baissé à 100 millions d'euros durant l'été. Fin septembre, le cumul s'élevait encore à 80 millions, et en octobre à 65 millions", alerte l'ancienne ministre du Logement, qui précise : "Le nombre de ménages en retard de loyer de plus de trois mois s'est accru de 40 000 personnes." Les bailleurs assurent le suivi des ménages en difficultés, et, témoigne Emmanuelle Cosse : "Le confinement va amener un nouveau visage de la précarité. Les ménages un peu plus hauts dans les tranches de revenus, qui ne bénéficiaient pas des APL, ont été durement touchés par le chômage partiel." « Un autre visage de la précarité » De fait, la mobilité s'est fortement ralentie dans le parc. "Les attributions de logements ont baissé de 60 000 à cause de la Covid. C'est un mouvement très important. Nous estimons qu'elle sera de 20% inférieure. Nous avons enregistré aussi moins de demandes. Nous estimons, toutes familles HLM confondues, que nous terminerons l'année avec 2,2 millions de ménages demandeurs, après un pic à 2,3 millions". Les pertes de loyers auront pu fragiliser certains organismes. Parmi d'autres raisons, la crise sanitaire est venue se rajouter pour expliquer une baisse historique des projets de nouveaux logements sociaux. Les agréments sont en effet au plus bas en 2020. "A mi-novembre, annonce Emmanuelle Cosse, 33 000 ont été accordés sur un objectif de 110 000. Et la chute est particulièrement sensible dans certaines régions : les Pays de la Loire, l'Occitanie, l'Auvergne, Paca et l'Île-de-France." Le mouvement HLM est entré dans ce que sa présidente nomme "une phase d'inquiétude". Bilan en cette fin novembre ? Un retard chiffré par Dominique Hoorens, le directeur des études de l'USH, entre 5 000 et 10 000 logements par rapport à 2019, soit 30% de moins qu'en 2019 sur les agréments. "Les élus reviennent sur les engagements pris" Les raisons de ce retard sont plurielles, pour l'ancienne ministre, qui connaît bien la mécanique. "Nous rencontrons des problèmes dans tous les types de territoires, toutes les régions... Dans beaucoup d'endroits, les élus ont demandé de revenir sur des engagements déjà pris avant les élections. Nous ne constatons pas de position claire des municipalités. A force de taper sur le logement social, beaucoup d'élus ne se rendent pas compte. J'en appelle aux élus : il faut changer de braquet maintenant ! Les logements qui ne seront pas agréés maintenant seront des logements perdus. Il n'y aura pas de rattrapage possible." Selon elle, les organismes payent aussi l'impact de la RLS (la réduction de loyer de solidarité) : "Manquent les dossiers qui n'ont pas pu être engagés à partir de 2017. On en est là parce qu'on a perdu des enjeux d'équilibre des opérations liés à la RLS et aux besoins en fonds propres pour arriver à des loyers suffisamment bas - à certains endroits on n'y arrive pas." Néanmoins - c'est dans son caractère -, Emmanuelle Cosse mobilise : "J'ai demandé de réactiver l'engagement des dossiers de demandes d'agréments, et de ne pas s'arrêter au 31 décembre. Je demande aux organismes et à leurs associations régionales de s'engager." "Il y a une ambiance générale de mise à l'arrêt des projets, partout, pointe-t-elle. Je vais écrire cette semaine aux maires et leur envoyer un guide du logement social, et alerter les associations d'élus. Sinon, on va avoir des baisses du nombre de nouveaux logements sur tout le territoire." Elle "n'attend rien" du "Pacte de relance pour la construction de logements" signé avec l'Etat. "L'heure est à l'ambition" L'heure est donc à la mobilisation, et, ajoute-t-elle, "à l'ambition". "C'est comme ça qu'on avance. Je ne vais pas attendre que le gouvernement m'autorise à avoir de l'ambition, et à appeler à la responsabilité l'ensemble des acteurs." Certes, la solidité financière et les moyens des bailleurs sont interrogés. "Quelques organismes vont être très impactés par la crise et les retards de loyers", reconnaît-elle. "Mais aucun ne dit être en difficultés. En revanche, la cherté des nouvelles opérations est la source principale d'empêchement de faire. Les organismes manquent de financements autres. Les subventions des collectivités locales, les compléments d'Action Logement ont beaucoup baissé." Dans les territoires "chers", selon Emmanuelle Cosse, les bailleurs ont du mal à concurrencer les promoteurs. "Donc, flécher dans les PLU des secteurs de mixité sociale c'est important. Encore faut-il que les élus le fassent..." « Obtenir plus en termes de financements complémentaires » La présidente de l'USH veut donc "être plus velléitaire - j'emploie le mot volontairement - sur les enjeux de création de logements. Nous allons demander plus demain à la Caisse des dépôts et consignations, et à Action Logement, en termes de financement. Et notre activité ne concerne pas seulement la production neuve. On doit aussi pouvoir réhabiliter plus rapidement certains de nos programmes". "Le gouvernement a fait des annonces particulièrement évasives et pour des montants pas très élevés. Mais 500 millions ? je dis d'accord, et nous poursuivrons les discussions. Nous avons répondu à une enquête de la DHUP pour savoir où il était possible d'accélérer la relance. La direction de l'habitat du ministère du Logement a recueilli les réponses des organismes." Alerte sur les financements de l’Anru Emmanuelle Cosse tire une sonnette d'alarme : "A propos des ambitions du monde HLM, je veux parler de l'Anru. Des bailleurs ont construit des projets très ambitieux, et nous avons demandé en conséquence une augmentation de 2 milliards du budget de l'Anru. Les programmes sont validés, la tranche 1 est financée, mais la tranche 2 à moitié seulement, et, pour la tranche et 3, on verra. Aujourd'hui les organismes HLM ne sont pas certains d'être soutenus dans 8 ans au moment de la phase importante, celle de l'animation des projets et de la gestion des nouveaux quartiers, dont ils seront les acteurs principaux." L'enjeu ? Obtenir 100 ou 200 millions d'euros supplémentaires par an pendant dix ans, répond-elle, sur les programmes qui sont validés. On accélérerait les réhabilitations, pour tenir "des ambitions urbaines surélevées". L'ambition décidément ne lui fait pas peur : "Si demain on arrive à obtenir 130 000 agréments, et que le problème qui se pose est celui de leur réalisation, je préfère ça à ne rien faire !" Un sujet qui reviendra au moment d'interroger les effets de 20 ans de la loi SRU - l'anniversaire tombait cette année. Rémi Cambau, Rédacteur en Chef de Cadre de Ville
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